Emmanuel Espinasse

En numérologie mon année de naissance équivaut à 10 + 10, soit une mini-séquence de bits informatiques. Enfant 2.0, j’avais dix ans le 11 septembre 2001. Pour résoudre cette équation, comprendre, déconstruire, commenter les données, j’utilise les outils artistiques et mathématiques.

Le pixel est le «carré noir sur fond blanc» de ma génération. C’est l’une des unités indivisibles au cœur de ma pratique. Mes œuvres parlent de l’équilibre fragile de l’humain dans l’univers et de son mouvement d’exploration des espaces infinis et effrayants. Elles invitent à déambuler dans des donjons ténébreux et drolatiques, ou proposent une plongée dans un tunnel lumineux. Elles se lisent comme des séquences dessinées, se projettent (animées) sur des formes mobiles, ou se traversent (fixes) dans un espace physique.

Marqué par Winsor McCay, Marcel Duchamp ou Norman McLaren, je vois dans le jeu et l’apprentissage des règles l’opportunité d’accéder à de nouveaux langages à lire, écrire et interpréter. La bande dessinée, le jeu vidéo, l’installation et la performance constituent les langages que j’adopte et métisse pour inventer des histoires, s’adressant indifféremment aux enfants et aux adultes, qu’elles soient abstraites ou figuratives.

Henri Lemahieu

Durant mon enfance, mon espace mental se développe dans des cabanes en bandes dessinées. Je ne l’ai pas vécu comme un repli, mais comme un univers à explorer et à construire de mes propres mains. C’est par le savoir-faire, et par son apprentissage, que j’ai acquis les outils qui me permette de monter comme de démonter l’architecture de la bande dessinée. De nouvelles cabanes à habiter et à éclater. La bande dessinée autrement.

Hybrider des concepts d’arts dans des bulles en trois dimensions, y entendre des sons tout en assistant à des projections numériques : tout cela m’apparait comme la forme idéale de création, car elle m’est avant tout instinctive. Sortir de la case, tendre à des expérimentations multiples, croiser les chemins d’Oskar Shlemmer, Daniel Buren ou Jochen Gerner.

Exploser puis reconstruire la bande dessinée, la notion narrative, le déroulement classique d’un scénario, me semblent aujourd’hui être les bases à étendre au volume, au son, voire à la performance. Ces différentes envies se sont toujours nourries d’un rapport ludique à mes propositions, que je tiens à partager avec le spectateur.

Régis Pinault

Je joue. Je joue avec les formes, le langage, la représentation, notre quotidien.
Je me joue des maux que j’inflige aux mots, puisque ceux-ci se déploient en différents questionnements que je vous livre. Libre au spectateur de s’approprier à son tour ce va-et-vient entre prosaïsme et poésie, analyse et contemplation.

Je joue, et le double-jeu qui s’opère dans mes propositions surprend.
La coexistence de différents degrés de réalité dans mes œuvres échauffe les esprits, l’association d’images du quotidien, empruntées à différents langages de la représentation (art, publicité, design, photographie, cinéma) est à l’origine du sentiment d’inquiétante étrangeté suscité par mes œuvres. Entrant en résonance avec le travail d’artistes comme Marcel Broodthaers ou Ed Ruscha, j’opère le pas de côté qui, en s’éloignant du réel, va mieux nous y ramener.

Je joue. Pas forcément à domicile, puisque je me suis rapidement «exilé» à Bruxelles puis à Stuttgart. Cette dernière nourrit plusieurs expositions réalisées dans le même temps en France, comme un jeu de miroir. En 2003, je propose une exposition de plusieurs artistes sur le principe d’une réaction en chaîne. Je suis également cofondateur du centre d’Art APDV avec Yvon Nouzille.

Depuis, je multiplie les expériences para artistiques comme consultant pour une exposition de Robert Filliou ou membre du conseil d’administration du centre d’art Art3 à Valence. Je collabore régulièrement avec d’autres artistes, telle Ann Veronica Janssens, avec laquelle j’ai cosigné la pièce sonore Pic up.

Johanna Schipper

C’est de l’île où je suis née qu’a commencé mon voyage à travers les images. Chacune en amenant une autre, qu’il me faut habiter, le temps de la comprendre, avant de reprendre mon exploration. Au mandarin, qui fut ma première langue parlée, puis à celles apprises durant l’enfance, j’ai rapidement ajouté le langage de la bande dessinée. Je me suis faite tête chercheuse en matière de linguistique graphique.

Il n’y a pas de terme à mon voyage, pas de destination : seuls comptent les lieux découverts, dont la succession forment une séquence non-linéaire, ou histoire. J’ai traversé et agit sur de nombreuses frontières : politiques, géographiques, intellectuelles et culturelles. Cette «progressive érosion des frontières» (pour reprendre un mot de Jean-Christophe Menu) vaut également pour la bande dessinée. Après l’avoir métissée à la peinture, je travaille aujourd’hui le médium comme un langage adaptable à de multiples supports.

Je me fascine pour Edward Kienholz, les auteurs de Métal Hurlant, et les animations de Jan Svankmajer, et développe l’intuition que la bande dessinée constitue la forme artistique qui marquera le XXIe siècle. Assurant à 29 ans le commissariat de la première exposition sur la bande dessinée contemporaine en Pologne, j’écris mes premiers textes théoriques dans le catalogue dont j’assure également la direction. J’inaugure ensuite, avec mon récit Née quelque part, la collection de romans graphiques des éditions Delcourt, dont les planches firent l’objet d’une installation murale au Centre Georges Pompidou en 2006.

L’orientation de mon travail artistique est avant tout visionnaire. À mes outils graphiques et littéraires, j’ajoute la transe chamanique et un travail sur le rêve, visible sur le blog L’Œil-livre.

Ce projet est accompagné par Un Autre Monde.